Comme infirmière clinicienne ouvrant au centre de développement et auprès de nombreux bébés et jeunes enfants depuis maintenant 15 ans, cela est frappant de voir tant de jeunes enfants qui ont de la difficulté à dormir toute la nuit et bien sûr les répercussions chez leurs parents ainsi que toute la famille.
Incidences
On remarque que 20 à 30 % des enfants ont des problèmes de sommeil, ce qui amène fréquemment les parents à consulter leur pédiatre. En plus, des exigences de la vie quotidienne, les parents voient leurs nuits interrompues par leurs jeunes enfants qui les réclament, perturbant ainsi leur sommeil. Sans ajouter les répercussions à long terme que peuvent amener le manque de sommeil chez l’enfant soit les problèmes accrus de santé, d’attitudes et d’humeur allant même jusqu’à des problèmes d’agitation, de comportement, et à plus long terme, des problèmes scolaires.
Les parents ne savent plus ou donner de la tête tant il y a de différentes choses écrites à ce sujet, mais la réalité, c’est que les parents doivent dormir pour être en mesure de bien s’occuper de leurs enfants et avoir une bonne qualité de vie.
Pleurer, un mal parfois nécessaire…
Et pourtant, il y a des solutions rapides et quand même simples pour régler ces situations. Plusieurs parents se font dire de laisser pleurer leur enfant et tout sera réglé. En fait, c’est souvent le cas. Mais de nos jours, plusieurs parents sont réticents de laisser pleurer leurs bébés sans craindre de leur créer des séquelles à tout jamais.
Il faudrait voir les pleurs de l’enfant comme un moyen de communiquer (sa frustration dans ce cas-ci) et de l’accompagner à développer des moyens de s’endormir seul, ce qui l’amènera à relever son premier défi vers l’autonomie. Apprendre à dormir est une étape importante comme le fait d’apprendre à faire ses premiers pas; votre bébé essaiera, tombera sûrement, il pleurera, mais vous l’aiderez à se relever et il recommencera… jusqu’au but désiré.
Après toutes ces années d’expérience clinique, je crois que de laisser pleurer les bébés n’est pas si néfaste pour eux. Tout est dans la manière de le faire. Plusieurs méthodes sont déjà décrites dans la littérature…
Méthode de sevrage parental
Je vais vous parler de celles que j’ai élaborées auprès de nombreux parents et familles en quête de sommeil. Je vous parle ici de la technique de l’attente progressive ou plus souvent appelée la méthode du 5-10-15. Cette méthode aidera votre bébé à s’endormir seul et ne plus avoir besoin de vos interventions la nuit pour se rendormir. Spontanément, la plupart des bébés font déjà quelques nuits vers l’âge de 2 à 3 mois… ce qui indique que déjà à cet âge, ces bébés sont prêts à dormir de longues périodes, et que leur horloge biologique se consolide de plus en plus. C’est vers l’âge d’environ 4 mois que vous pouvez amorcer l’application de cette méthode.
Voici l’histoire de Michael, 5 mois, qui s’endort au sein vers 22h et se réveille la nuit toutes les trois heures pour boire. Vers 4h du matin, sa mère, qui est fatiguée, l’amène dans son lit. La nuit se termine vers 7h30. Dans la journée, Michael fait plusieurs petites siestes s’endormant soit en buvant, bercé, en poussette ou en auto. Par ailleurs, Michael est en bonne santé.
Je suis certaine que plusieurs mamans se reconnaissent dans cette histoire. Tout d’abord, comme souligné précédemment, un bébé de 5 mois est prêt à dormir toute la nuit. En plus, on doit se rassurer avec le fait que les bébés de cet âge n’ont plus besoin, physiologiquement, de boire la nuit (surtout, s’il a débuté l’alimentation solide le jour). Souvent, il demande à boire parce qu’il n’a aucun autre moyen de se rendormir seul. C’est devenu une habitude pour lui et on règle une grande partie du problème en changeant cette habitude. On doit aussi savoir que la routine du coucher est très importante et devrait toujours comporter un bain ou une toilette juste avant le coucher…
La méthode du 5-10-15
Ce qui veut dire que je suggère de donner à boire avant le bain évitant ainsi que l’enfant ne s’endorme en buvant (ou en ayant le ventre plein). Et c’est là que l’on débute l’application de la méthode du 5-10-15. On doit changer la condition dans laquelle l’enfant s’endort pour que ce soit facilement reproductible la nuit et sans nécessiter l’intervention du parent. Donc, il faut que le parent remplace sa présence par un objet, soit une couverture ou un vêtement de maman qui a son odeur, ce qui est très rassurant pour l’enfant pour son nouvel apprentissage.
Souvent les jeunes bébés ne sont pas naturellement attachés, même si ces objets sont offerts régulièrement par la maman; c’est que la maman remplit trop bien ce rôle de réassurance par sa présence et ses bons soins. Il est préférable aussi d’ajouter un petit toutou (de la grandeur de votre main et lavable de préférence). Et on dépose le bébé éveillé dans son lit avec ces objets…
Il faudrait éviter de donner la suce, car cela peut être aussi un objet de dépendance à l’endormissement, mais non indépendante du geste du parent de se lever la nuit pour lui remettre dans la bouche, et ce, jusqu’à vers 1 an, âge où il pourra apprendre de la reprendre lors de ces petits éveils. Il serait plutôt souhaitable, s’il a un fort besoin de succion, de lui tendre le poing vers la bouche. Avec le temps, votre bébé apprendra à le reprendre seul pour combler son besoin de succion lors de ses réveils.
Ensuite, on doit sortir de la chambre en fermant la porte pour 5 minutes. Si cinq minutes semblent interminables pour le parent, cela paraît moins long pour le bébé. Au bout de 5 minutes, le parent retourne dans la chambre… « C’est la nuit mon amour, fait dodo », replace la doudou et le toutou près de son cou (il sentira votre odeur et sera rassuré). Ne restez que brièvement dans la chambre surtout si bébé pleure plus fort dès que vous entrez dans la chambre.
Les prochaines visites seront aux 10 et 15 minutes avec une brève visite entre chaque temps, et ce, jusqu’à ce que le bébé s’endorme.
Pour ce qui est de Michael, comme il s’endort vers 22h habituellement, il est suggéré de le coucher 10 à 15 minutes plus tôt chaque soir pour que tranquillement il s’endorme entre 19h30 et 20h30.
Évidemment, la première nuit, Michael se réveille aux trois heures pour boire. Je suggère de réduire graduellement le temps d’allaitement en diminuant de moitié ou en coupant 3 à 5 minutes le temps de succion, chaque nuit. Par contre, comme sa mère lui enseigne qu’il doit essayer de se rendormir seul, elle attendra cinq minutes avant d’aller le voir la première fois (s’il se rendormait!!!…) en le rassurant brièvement comme d’habitude, et retourne le voir 10 minutes plus tard. C’est à cette deuxième visite qu’elle le fera boire 10 minutes au lieu de 15. Aussi, dès qu’elle voit qu’il ralentit sa succion et semble vouloir se rendormir, elle lui enlève le sein de la bouche et le dépose dans son lit avec bien sûr sa doudou et son toutou collé sur lui.
Michael pleure de plus belle, mais sa mère est surprise, car elle n’aura pas à retourner le voir puisqu’il s’est rendormi après 10 minutes de pleurs. Évidemment, il se réveille 2 autres fois au cours de la nuit et sa mère utilise la même méthode soit d’attendre 5 minutes, elle va le réconforter et attend 10 minutes avant de retourner le voir et le faire boire tout en réduisant le temps de succion. Pour Michael, ce fut moins difficile que sa mère craignait, car il s’est rendormi rapidement après lui avoir offert à boire une deuxième fois vers 4h du matin.
Au matin vers 6h30, il se réveille dans son lit (sa mère ne l’a pas amené dans son lit à 4h). Il est de bonne humeur. Sa mère ne se précipite pas, et attend qu’il commence à être plus impatient. Elle l’allaitera seulement à 7h, heure à laquelle elle aimerait qu’il se réveille chaque matin… Au fil des nuits, un nouvel horaire se consolidera et Michael se réveillera plus tard, car il n’aura pas faim avant. Il prend des céréales vers 7h30. Dans la journée, sa mère essaie de le coucher 2 heures après son réveil soit 8h30, d’ailleurs, c’est à ce moment que sa maman remarque qu’il devient maussade, baille… Comme il a bu, vers 7h, elle le couchera sans boire en utilisant la même méthode que lorsqu’elle l’a couché hier soir. (5-10-15 et objets de réconfort). Dans la journée, il est suggéré d’alterner siestes et boires aux 4 heures.
Voici un exemple d’horaire
- 7h30 : lever, boire ou repas
- 9h30 : sieste
- 11h30-12h : boire ou repas
- 13h30 : sieste
- 15h30-16h : boire
- 17h : repas si applicable
- 17h30 : courte sieste jusqu’à l’âge de 6 mois
- 19h30-20h : boire et dodo
- 21h00 : Si bébé a fait la sieste, on le couche plus tard.
Le deuxième soir, Michael est déposé dans le lit 10 minutes plus tôt (nouvelle routine et objets de transition) et cette fois, c’est le papa qui le visite aux 10, 15, 20 minutes. Les parents ont remarqué que Michael pleure moins longtemps quand son papa va le voir (avec sa voix plus grave). Et Michael s’endort seul après la deuxième visite. Et les parents n’y retournent pas. Dans la nuit, sa mère attend 10 minutes, puis 15 avant de lui proposer à boire une première fois, mais celui-ci s’est rendormi; ainsi le premier boire s’est éliminé. Et ainsi de suite, elle réduit les prochains boires à 5 minutes et le recouche. Il pleure encore 10 minutes et se rendort. Il se réveille vers 6h30 et la deuxième journée d’entraînement se déroule avec moins de pleurs et des siestes plus longues, soit une heure à 8h30 et à 12h30 (durée moyenne correspondant à un cycle de sommeil). La mère de Michael réduit aussi la durée de la sieste de 17h et ne le laisse dormir que 30 minutes. Elle le réveille doucement en ouvrant la porte de sa chambre, en lui parlant.
La troisième soirée, comme Michael n’a pas dormi beaucoup à sa sieste de 16h30, Michael est maussade et se frotte les yeux très tôt dans la soirée, alors ses parents décident d’amorcer la routine du coucher préétablie vers 19h30 et c’est le papa de Michael qui le met au lit vers 20h30. Celui-ci serre son toutou et pleure 15 minutes avant de s’endormir. Cette nuit-là, il se réveille quelques fois, mais brièvement, ne nécessitant aucune intervention de ses parents. Vers 5h, il se réveille, mais ne se rendort pas. Sa maman va le voir après 15 minutes de pleurs pour le rassurer et attend une autre période de 20 minutes. À ce moment-là, elle le fait boire que quelques minutes puisqu’elle remarque que ses yeux se ferment rapidement dès qu’il est mis au sein. Elle cesse l’allaitement et le dépose avec son toutou et la doudou près de son cou. Il pleure encore 10 minutes pour enfin se rendormir. Il ne se réveille que vers 7h.
Les nuits subséquentes, il s’endort rapidement avec quelques pleurs et dort jusqu’à 7h30. Sa mère a entendu quelques cris au cours de la nuit, mais n’est pas intervenue. Elle sera prudente lors des réveils futurs de ne pas intervenir trop vite (15 minutes est l’intervalle recommandé avant une première visite) et ainsi ne pas interférer avec les nouveaux apprentissages soit de toujours se rendormir seul sans dépendre d’une intervention des parents. Les siestes deviendront de plus en plus longues et les pleurs diminueront graduellement au cours des prochaines semaines. Sa maman apprécie la bonne humeur de son bébé tout au long de la journée; elle le trouve moins irritable qu’avant alors qu’il se réveillait souvent la nuit. Comme Michael nous l’a démontré, cette technique fonctionne en 3-4 jours.
Variantes
Cette technique peut être appliquée en utilisant un laps de temps plus court comme 1 minute, 3 minutes, 5 minutes. L’important est d’augmenter le temps entre les visites, laissant le temps au bébé de développer ses stratégies pour s’endormir. Chez les bébés plus jeunes (avant 4 mois), le parent pourrait rester en flattant ou balançant le bébé dans son lit jusqu’à l’endormissement et graduellement diminuer l’intervention un peu chaque jour jusqu’à ce que le bébé s’endorme seul.
Enfin je dors... et mes parents aussi
Par Evelyne Martello
Éditions Hôpital Sainte-Justine,
2007
ISBN : 9782896190829
14,95 $