Santé

Le streptocoque B

C'est à travers un texte original que Dr. Nathalie Fiset nous transmet quelques recommandations au sujet du streptocoque B.

Le Streptocoque B quand on est enceinte

Chantal, une femme de 27 ans qui attend son premier bébé se présente à sa visite de 34 semaines de grossesse avec son conjoint Paul. Durant leur conversation, Chantal demande à son médecin de leur parler du dépistage vaginal du Streptocoque B. Le docteur Ladouceur leur répond :

« Le Streptocoque B est une bactérie que l’on retrouve dans le vagin de façon naturelle chez 10 à 30 % des femmes — notre expérience tend plutôt vers 30 %. Ces femmes sont considérées comme porteuses saines, c’est-à-dire que cette bactérie ne leur cause aucun problème. Si on leur administre des antibiotiques, ces femmes redeviendraient porteuses saines dès qu'elles entreraient à nouveau en contact avec la bactérie. Je le répète, ces femmes sont des porteuses saines, et cette bactérie ne leur cause aucun problème de santé. Le seul moment où le fait d’être porteuse du Streptocoque B vaginal est important, c’est lorsqu’elles sont enceintes et en travail, surtout si les membranes sont rompues. »

« Est-ce une nouvelle menace comme le SRAS ou la bactérie mangeuse de chair, » demande Chantal d’un air préoccupé.

« Non, nous connaissons cette bactérie depuis très longtemps. Les recommandations sont quand même nouvelles et il n’est pas dit qu’elles ne changeraient pas si d’autres études tendaient vers d’autres conclusions. »

« Est-ce que c’est pour cette raison que nous n’en avons pas entendu parler lorsque j’ai eu un enfant avec ma première femme, il y a 6 ans? », demande Paul.

« C’est exact. À ce moment-là, le dépistage du Streptocoque B n’était pas recommandé. On connaissait cette bactérie, mais on ne la traitait que chez les femmes à risque de développer une infection, comme celles qui avaient déjà eu un bébé affecté par une infection à Streptocoque B, celles qui avaient du Streptocoque B dans leurs urines, celles qui débutaient leur travail avant la 37e semaine de grossesse, celles qui développaient une fièvre durant leur travail ou si les membranes étaient rompues depuis plus de 18 heures. »

« Quelles sont les recommandations actuelles? », demande Chantal un peu inquiète.

Le docteur Ladouceur lui répond avec un sourire qui se veut réconfortant :

« La société des obstétriciens-gynécologues du Canada recommande de procéder à une culture vaginale qui consiste en un prélèvement vaginal et près de l’anus chez toutes les femmes enceintes entre la 35e et la 37e semaine de grossesse. Il est ensuite recommandé de traiter toutes celles qui ont eu une culture positive pour le streptocoque B avec un antibiotique intraveineux, c’est-à-dire une Pénicilline G si la patiente n’y est pas allergique. De cette façon, la mère transmet ces antibiotiques in utero au bébé et le protège contre le Streptocoque parce que le bébé n’est pas un porteur sain. Je te donne d’ailleurs la référence si tu désires consulter un site Internet sur la question, car je sais que tu aimes bien aller au fond des choses. »

« Ça semble simple », conclut Paul. « Allons-y pour la culture! »

Le docteur Ladouceur sourit et leur dit : « Ceci était la version simple de l’histoire. Désirez-vous entendre la version plus longue? »

Aussitôt, Chantal s’empare de son petit cartable noir intitulé Bébé et prend sa plume en main : « Je suis prête! Allez-y! »

« Commençons par le début », attaque le docteur Ladouceur dans un soupir qui en dit long. « Il faut tout d’abord savoir que lorsque nous ne procédions pas aux cultures vaginales de routine chez les femmes enceintes, nous n’avions pas 30 % des bébés qui étaient infectés par le Streptocoque B. Un très faible pourcentage de bébés nés de femmes porteuses du Streptocoque B l’attrapera. »

« Que peut-il arriver si un bébé attrape le Streptocoque B? » demande Paul.

« Une septicémie (infection de son sang), une pneumonie, une méningite… etc. », répond le docteur Ladouceur.

« Alors, procédons à la culture », s’empresse de conclure Paul. « Je ne veux pas que mon bébé ait ces problèmes. Si ça peut garantir que notre bébé n’aura pas l’infection... »

« Cela ne le garantit pas nécessairement. Il existe plusieurs cas où des femmes ont eu une culture négative et n’ont donc pas reçu d’antibioprophylaxie et pourtant, leur bébé a tout de même développé une septicémie à Streptocoque B. »

« Oui, mais si les antibiotiques ne sont pas dangereux, alors pourquoi ne pas les donner tout de même? »

« C’est ici que j’ai des réticences », avoue timidement le docteur Ladouceur. « Vous avez tous entendu parler de la surutilisation des antibiotiques et des conséquences néfastes que cela peut avoir sur le développement des superbactéries, c’est-à-dire ces bactéries qui ne répondent plus à aucun antibiotique. De plus, nous n’avons pas actuellement le recul nécessaire pour connaître l’influence des antibiotiques in utero sur les bébés, mais la prudence est de mise. »

« Ne m’en parlez pas. Mon oncle est actuellement hospitalisé et souffre du Clostridium Difficile », ajoute Chantal d’un air sévère. « C’est grave et, à part les bons traitements de maintien qu’il reçoit, les médecins ne peuvent pas lui offrir un antibiotique efficace. Toute la famille ne peut qu’espérer qu’il aille mieux. »

« Le Clostridium difficile n’est qu’une des nouvelles sortes de bactérie qui sont devenues résistantes à nos antibiotiques. Il en existe beaucoup d'autres, dont le E. Coli qui affecte les jeunes enfants. D'ailleurs, l’amoxicilline qui était utilisée avant pour prévenir les infections à streptocoque B n’est plus notre premier choix en raison des résistances se sont développées. »

« Donc, ce n’est peut-être pas l’idéal d’exposer un bébé qui n’est pas encore né à un antibiotique aussi pratique que la Pénicilline… », marmonne Paul songeur.

« C’est exact », répond le docteur Ladouceur. « Vous allez rapidement conclure aujourd’hui qu’en médecine nous n’avons pas de solution parfaite à tous les problèmes. Un fait que j’ai réalisé bien avant de terminer mon cours de médecine. Je ne vous ai pas mentionné aussi que la mère pourrait être allergique à la Pénicilline et, si c’est le cas, elle peut faire comme cette patiente, une réaction allergique sévère — c’est-à-dire un choc anaphylactique – et cette femme doit maintenant être en dialyse parce que ses reins ont été affectés. Un événement heureusement rare, mais tragique. »

« Pfiou! », siffle Paul.

« De plus », continue le docteur Ladouceur, « pour que les antibiotiques aient un niveau de protection suffisant dans le placenta du bébé, il faut que la patiente ait reçu sa dose de Pénicilline, quatre heures avant la naissance. »

« Qu’est-ce qu’ils feraient dans le cas de ma cousine qui accouche en moins de deux heures? » demande Chantal.

« Il existe toujours la possibilité de refuser la culture et choisir de traiter si l’un des facteurs de risques discutés plus tôt était présent. Parce que si elle n’a pas reçu ses antibiotiques et que l’on sait qu’elle a une culture positive pour le streptocoque B, le bébé sera alors considéré comme “à risque” et sera observé de plus près par le pédiatre qui pourrait décider de faire des prélèvements sanguins comme une formule sanguine et une hémoculture. En attendant d’avoir les résultats, ce qui prend à peu près 48 heures, le pédiatre pourrait même prendre la décision de donner des antibiotiques intraveineux au bébé s’il présentait les signes d’une infection. Il ne peut pas courir ce risque. »

« Pauvre petit! », s’exclame Chantal en se frottant le ventre. « Tu n’es pas né que nous voulons te faire des prélèvements sanguins. »

« C‘est pourquoi certaines femmes, surtout celles qui ont déjà accouché rapidement, préfèrent refuser la culture vaginale, plutôt que ne pas avoir le temps de recevoir les antibiotiques. »

« C’est vrai que je n’ai pas eu cette inquiétude à la grossesse de ma première femme, car ils ne faisaient pas le dépistage à ce moment-là. »

« Pouvez-vous me résumer les faits, docteur Ladouceur? », demande Chantal, en tentant de noter tout dans son cahier.

Le docteur Ladouceur lui sourit et attaque :

  • Près de 30 % des femmes sont porteuses saines du Streptocoque B vaginal.
  • Les recommandations sont à l’effet de traiter toutes les femmes ayant une culture positive lors du travail actif.
  • Il existe des cas de femmes qui avaient une culture négative et dont le bébé a pourtant développé une infection au Streptocoque B. Donc, traiter celles qui ont une culture positive ne prévient pas tous les cas.
  • Je suis tout à fait d’accord avec la politique de traiter en fonction des facteurs de risques que nous avons discutés au début... Tout en sachant aussi que cela ne prévient pas tous les cas.
  • Les statistiques nous apprennent qu’il faut traiter environ 200 femmes dans le but de prévenir un seul cas d’infection au Streptocoque B chez le bébé, car c’est une infection qui est relativement rare. Nous ne sommes pas des statistiques et lorsqu’un bébé est infecté, c’est toujours dramatique.
  • Un cri d’alarme est lancé depuis longtemps dans la société médicale afin d’éviter la surutilisation des antibiotiques, car il est de plus en plus fréquent de voir émerger des bactéries très résistantes, donc potentiellement très dangereuses.

« Je n’ai pas la solution parfaite à ce dilemme! » conclut-elle en souriant. « Je vous recommande de lire sur le sujet, de vous renseigner. J’ai vu un autre article intéressant en anglais ".

« Il existe beaucoup d’autres articles qui traitent du sujet. Il faut faire attention, certains sont biaisés et tendent à dramatiser la situation, alors que d’autres semblent s’opposer à tout, sans vraiment se pencher sur les faits réels. Je vous recommande donc de faire un autre souper à la chandelle comme lorsque je vous avais parlé du dépistage de la trisomie, au premier trimestre », conclut le docteur Ladouceur dans un petit sourire.

Avant de partir, Paul lui serre chaleureusement la main en lui disant : « Merci docteur Ladouceur d’avoir pris le temps de nous expliquer toutes les nuances de la situation. »

« Je vous en prie. Je suis là pour ça. Vous apportez plus de questions que de réponses! Maintenant, je vais voir ma prochaine patiente qui est à 33 semaines de grossesse et recommencer toute mon histoire », dit-elle en souriant.

Nathalie Fiset
Médecin de famille et hypnothérapeute

Le docteur Nathalie Fiset qui est médecin de famille a fait plus de 2 000 accouchements au centre hospitalier Anna-Laberge à Châteauguay depuis 1990. Elle a complété deux certifications en hypnothérapie et offre à ses patientes l'hypnose comme moyen supplémentaire pour les aider à vivre une naissance paisible. Elle a un site Internet, Parfaiteharmonie.com, qui explique ses méthodes et leurs bienfaits.


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