Une Française, âgée de 59 ans, a donné naissance le 8 septembre à Paris à des triplés, un fait rarissime qui pose aussi bien la question de sa santé que celle du bien-être d'enfants dont la mère sera octogénaire quand ils auront 20 ans.
L'Administration des hôpitaux de Paris s'est bornée à dire que la naissance s'était passée par césarienne, comme c'est la règle pour des triplés, et que « tout s'était bien déroulé ». Se refusant à toute précision sur l'état de la mère et des enfants, elle a indiqué qu'il s'agissait d'une petite fille de 2,420 kg et 46 cm, et de deux petits garçons respectivement de 2,320 kg et 47 cm et 2,420 kg et 46 cm. Le professeur Dominique Cabrol, qui a procédé à l'accouchement, et la mère se sont refusés à fournir toute information à la presse.
Cette triple naissance chez une quasi sexagénaire est un fait inédit en France et peut-être dans le monde. Cette Française d'origine asiatique avait bénéficié d'un don d'ovocytes au Vietnam. En France, l'assistance médicale à la procréation (AMP) est limitée aux couples en âge de procréer, soit jusqu'à quelque 48 ans pour une femme. On réduit aussi au maximum depuis quelques années le nombre d'embryons transférés, pour éviter les grossesses multiples, toujours à risque.
Plusieurs cas de grossesses tardives à la suite d'une fécondation artificielle se sont produits aussi à l'étranger, mais une naissance de triplés n'a, a priori, jamais été recensée. Cette année, une Indienne de 70 ans avait donné naissance à des jumeaux après une fécondation in vitro.
L'annonce de la triple naissance a été accueillie avec des réserves chez les professionnels, dont plusieurs ont évoqué le regard de l'autre qui va peser, avec les amis des enfants qui dénonceront une mère « en âge d'être grand-mère ».
Dominique Ratia-Armangol, présidente de l'Association nationale des psychologues pour la petite enfance, se refuse à « porter un jugement », mais voit dans cette affaire « une problématique de société ». Elle évoque « la question de la différenciation de générations » avec « un risque de confusion dans les rôles et les fonctions » entre un rôle de grand-parent ou de mère. Ce cas pose, selon elle, des questions sur la façon dont « on aide un enfant à grandir, en termes éducatifs, de structuration. Quand la science permet de dépasser les limites fixées par la nature, est-ce que cela ne va pas mettre en difficulté ceux qui en sont les fruits? », se demande-t-elle.
Pédopsychiatre, Nicole Garret-Gloanec, se dit quant à elle « profondément choquée », estimant que c'est « éthiquement honteux ». « Avoir des enfants à cet âge c'est dangereux pour leur structuration », juge-t-elle. La procréation doit, selon elle, correspondre à un moment où la mère est capable d'avoir « un lien avec sa propre enfance et son état de bébé ». La pédopsychiatre soupçonne dans ce désir très tardif d'enfant un « déni de la vieillesse et de la mort ». « C'est malsain, c'est reporter sur les bébés la question de sa propre mort », dit-elle.
« On finit par trouver que tout est possible, on n'a rien à élaborer à partir de sa propre vieillesse, on n'a rien à construire si ce n'est vouloir consommer à nouveau parce qu'on peut. On est dans le droit de l'objet, le droit de la consommation, alors on consomme des bébés », lance-t-elle.