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jusdfruitInscrit le : |
Nous sommes le 6 novembre 2014 et il est l'heure du souper. Or je suis dans une boutique à me battre entre les rayons pour coordonner des minis-ensembles pour nourrisson. Matante Jus d'Fruit aime que les nouveau-nés de ce monde soient griffés Petit Monsieur ou Petite Madame . (Je déteste habiller des enfants en toutous, je n'ai jamais compris cette mode ridicule.)
Toujours est-il que je voltige d'un cintre à l'autre en cueillant toutes les plus minuscules tailles, mais j'ai le vague à l'âme. Une boule brûlante et rageuse au fond de la gorge appuie sur ma luette et me donne envie de vomir. Je bats des cils pour effacer la brume de mes prunelles vert jade, je fais des blagues avec l'assistante pour enlever le tremblement de ma voix. Mais se répète entre mes hémisphères la nouvelle qui m'a glacé les extrémités et chauffé les joues un peu plus tôt. « Mesures d'austérité adoptées (?) restrictions au programme de procréation assistée en vigueur dès décembre. » Ai-je besoin de spécifier que je suis actuellement suivie dans une clinique de fertilité pour ainsi me sentir interpellée de la sorte ? La rumeur ayant circulé tout l'été, voilà officiellement que notre cher Gouvernement a décidé de se mettre le nez dans notre dossier médical en changeant les matrices, et n'offrant ainsi de l'aide gratuite qu'aux couples dont l'infertilité sera prouvée. Ce que je ne suis pas, car j'ai eu trois grossesses interrompues jusqu'à maintenant. Pour en savoir plus sur les raisons qui m'ont fait perdre mes petits marmitons, j'ai dû convaincre mon conjoint d'embarquer avec moi dans cette nouvelle aventure, rencontré trois médecins généralistes, six spécialistes, mis plus de 2100 $ en frais médicaux dans les cliniques privées et passé sept jours dans ma banque de maladie pour des rendez-vous. Il m'en faudra encore l'équivalent pour les derniers tests génétiques, de compatibilité, le X-Fragile et j'en passe ! Et ensuite, SEULEMENT ENSUITE, on me prescrira un traitement. Grand Dieu, ma curiosité a finalement frappé son quota ! Je devrais comprendre. Je devrais me faire pitance et accepter qu'effectivement, il y a un manque à gagner important de ce côté. Que la procréation assistée n'est pas un service essentiel. Qu'avant moi, les femmes payaient pour ces services. Essayer de décortiquer les statistiques au sujet des grossesses à risque. Que je suis un gros bébé gâté pourri et qui agit comme un enfant à qui on arrache son cadeau. J'ai beau ne pas être une enfant, je n'y parviens pas ! Pas après avoir passé deux ans à nous aimer profondément Richard et moi, me donner, m'abandonner, dégueuler mon ultime bonheur d'ainsi porter la vie puis la voir tomber au fond du bol... qu'elle s'accroche à nouveau, me nourrir d'inquiétudes et de Biscuits Soda, puis ultimement me la faire retirer au bistouri. Deux ans en dents de scie, à me faire dire : « Tout va bien Madame Bouchard, vous avez un dossier médical impeccable ! » alors que dans mon âme et conscience, je vis tout le contraire. À me faire dire à quel point il est heureux mon conjoint, alors que peu avant ou peu après cette douce révélation, il projette notre vie avec un p'tit papoute aux billes vertes. À me faire dire par ma famille qu'à 17 ans, le moment était mal choisi, mais que maintenant, je ferais une super maman. Je suis incapable. Quelque chose s'est brisé en moi et refuse de me combler. Me bercer de cet amour inconditionnel. Me rendre femme mûre et complète, m'imprégner de la collectivité qui s'abreuve et se gave éternellement, solidifier un mur de la pierre que je porterai. Je n'appartiens pas à cette société. Je l'emprunte, passagère et périssable. Je me donne et n'obtiens pas le réconfort ou la consolation que j'aurais espéré. Ceux qui m'aiment me donnent le sentiment de leur rendre service. Je suis une amoureuse éphémère. Parmi la multitude de sentiments qui m'habite, je contiens beaucoup d'acharnement. Cette force tranquille qui en est autant naïve et pure, que celle qui me donne envie d'hurler mon égoïsme sur tous les toits. Car l'humanité accepte mal que l'on réponde négativement lorsqu'on lui demande : « Comment vas-tu ? » Et bien non, ça ne va pas. Je pleure et je rage face à ces gens qui ne comprennent pas que depuis jeudi, je me sente à nouveau combattive, le tapis me glissant sous les pieds. Car depuis le jour 1 de nos démarches, on me dit que cela ne rime à rien. Revoilà que surgissent ces petites phrases magiques, bourrées de vos conceptions, dont je ne parviens pas à discutailler avec vous d'égal-à-égal. Car la plupart demeurez fermés, imbus et abjectes, tentant ainsi de diminuer ma confiance ou mes efforts. Or pour vous, je vais les écrire, les décortiquer, les analyser puis vous les servir une dernière fois sur un plateau d'argent. Pour que vous compreniez que malgré tout le respect que je vous dois, certaines choses ne doivent pas être dites aux gens qui comme moi, n'arrivent pas à procréer. Bonne lecture ! |
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KabazziInscrit le : |
m
merci! |
jusdfruitInscrit le : |
Le comble de l'abnégation
« Tu n'es pas assez patiente. » Richard et moi avons dérivé d'un premier échec amoureux et reconstruit notre existence de bien peu de choses à la mi-trentaine. La très forte majorité de nos compagnons sont déjà casés : plans d'épargne, prêt hypothécaire, deux enfants, deux autos, deux chiens, deux cabanons. Bref, vous voyez le topo ? Les conjoints se devinent et se prennent un peu pour acquis ; leur complicité est belle à voir. Désireux, nous avons établi nos bases assez rapidement. Et en peu de temps, notre budget et nos ambitions étaient organisés pour l'année à venir, en ordre chrono. Nous avions hâte d'en arriver au même constat. Après avoir avoué à nos proches que nous avions entrepris des démarches dans une clinique de fertilité, nous avons immédiatement senti un soutien considérable de nos amis. Ils étaient fiers de nous ; on se plaisait à en apprendre davantage sur tous ces rêves refaisant surface et c'est avec un bonheur encore plus savoureux que nous les partagions, les yeux dans la graisse de bine, la nostalgie du passé qui s'effaçait doucement. Mais ô malaise, il n'en fut pas autant pour notre famille lorsque nous avons abordé la question : c'est foutrement inquiet un parent ! Les bobos du passé resurgissent, nos idées deviennent obsessionnelles puis ultimement, chacun de nos gestes spasmodiques. Tout à coup, nous démontrions un manque de maturité, il fallait y aller étape par étape, on exigeait que l'on soit plus posés et d'une douce persévérance. Autrement dit, nous manquions de sagesse et cela finissait par brûler nos énergies (je reviendrai plus tard au sujet de cette chère doctrine populaire). Décidément, à les écouter, le bonheur d'être en amour : c'est du sérieux ! Bonjour la parano, voici le retour de Docteur Mom. R-i-d-i-c-u-l-e que tout ceci. Arrêtez de vous en faire autant, nous avons muri. J'ai donc commencé à me questionner : Qu'est-ce qui me rend impatiente à leurs yeux ? Est-ce légitime de désirer si fort ? Où tranche-t-on la limite entre le désir et l' envie ? Fouillez le dictionnaire, vous constaterez que ces deux mots ne sont que de vulgaires synonymes. Il n'y a pas de distinction entre les deux, sauf que l'on associe bien souvent le désir à la convoitise, la cupidité ou pire, à un caprice sexuel. L'un porte des caractéristiques plus poétiques que l'autre. Ainsi donc, ce qui fonde notre souhait est simple : 1. Nos vies antérieures (les racines, les expériences passées), 2. La programmation de notre instinct de reproduction, celui-ci ne faisant que prendre son rôle trrrrès sérieusement. En conclusion, nous ne sommes pas impatients, nous sommes prêts maintenant. Il n'y a rien de mal là-dedans ! |