Pour Adèle, la venue de mini-fiston constitue sa première expérience d’une naissance qui chamboulera sa vie. Sa première naissance! Bien avant qu’elle soit maman à son tour! Mais l’arrivée de ce petit bébé bouleversera tous ses acquis, toute sa vie et toute sa petite routine autant qu’il l’ensoleillera et l’enrichira.
Je connais ma fille
Pour une fillette de trois ans, même si elle semble avoir hâte et parle beaucoup de son « bébé-frère », il est normal que cet événement vienne remuer un lot d’émotions. Je la sens un peu plus nerveuse et peut-être un petit peu plus anxieuse. Elle pose des questions, réfléchit et revient à la charge quand les réponses ne lui suffisent pas. Son besoin de nommer son « bébé-nouveau » dans chaque conversation est-il lié au fait qu’elle s’adapte tranquillement à son arrivée en l’incluant ainsi alors qu’il n’est pas tout à fait là?
Je la connais bien ma « grande petite fille » (C’est moi qui l’ai tricotée, au fond!). Elle a besoin d’être rassurée. Elle a besoin qu’on lui répète les mêmes choses pour la rassurer que rien de ce qu’on a promis ne changera (« Oui, bébé aura sa chambre, juste là en face de la nôtre. Et toi, tu gardes ta belle chambre fleurie! »). Mais aussi, elle veut être participative à cet événement qui l’emballe. « Je vais lui donner sa suce! », « Je vais le bercer en faisant ah-ah-ah! » et nous montre comment on doit tenir un bébé en prenant sa poupée Rosalie comme modèle. Surprotectrice, elle le sera aussi. Son petit frère est déjà précieux pour mademoiselle. Si on ne peut pas prendre Rosalie à la sauvette par un bras, je n’ose pas imaginer une seconde mal tenir Mini-fiston sous peine d’une grande remontrance. « Attention maman! Le bébé va pleurer si tu le tiens comme cela! », qu’elle dira au fautif pris en flagrant délit! Comme une chatte qui protège ses petits, elle a l’instinct maternel qui frétille. Elle sentira grâce à un sixième sens un peu bestial les prédateurs ou ceux qui ne sont pas « vrais » envers son bébé-frère. Et gare à eux, elle se transformera en petite lionne. C’est fou comme ses sentiments sont contradictoires envers Mini-Fiston. Mais, pour moi, cette dualité me réconforte énormément. Je me serais bien plus inquiétée si elle avait vécu que dans l’euphorie de son arrivée prochaine. J’aurais suspecté une tornade sous-jacente… Pour l’instant, l’expression de ses sentiments jumelée à mon décodage tout personnel me prouve que ma grande minounette comprend que c’est un événement heureux… mais déstabilisant aussi. Fiou!
Préparer la venue en douceur…
Évidemment, pour m’aider dans ma démarche, je voulais lire sur l’adaptation d’un premier enfant à la venue d’un deuxième dans la famille. Étrangement, il n’y a presque pas de livres sur le sujet. En fait, on ne retrouve que des chapitres dans certains livres… c’est tout. Bizarre, non? C’est quand même une étape importante qui, si bâclée, peut être un peu traumatisante pour l’aîné. Ce n’est pas minime ce qui arrive dans sa vie! Oui, c’est positif, mais pas entièrement. Il perd un peu sa place, qu’on le veuille ou non. Et même si on est persuadé avoir le cœur assez grand pour distribuer notre amour, même si on le dit chanceux parce qu’il aura quelqu’un pour partager sa vie, ce n’est pas évident pour ces tout-petits. Loin de là même!
Alors, j’essaie de grappiller ici et là des idées pour que la transition se fasse bien et en douceur. Pour qu’Adèle sache que c’est « normal » d’être contente et nerveuse à la fois. Pour qu’elle saisisse que le bébé sera là pour toujours. Pour qu’elle comprenne que la routine va changer, mais que notre amour restera le même. Pour qu’elle se sente impliquée dans les préparatifs. Et surtout pour qu’elle détecte notre souci de prendre soin d’elle …
Presque chaque jour, on lit une histoire mettant en scène des frères et sœurs ou que la maman est enceinte. Un livre qu’Adèle nous demande encore et encore est Benjamin et la petite sœur. Il parait que Dora, la grande sœur est un « must » chez d’autres familles. Allez-y selon les héros préférés de vos enfants. J’ai installé sur sa porte de chambre un calendrier. J’ai détaché tous les mois restants jusqu’en juillet et je le décore selon les événements qui arrivent (un autocollant pour la sortie à la cabane à sucre, un autre pour le spectacle de danse, un pour la fête de ses amis, etc.). Ainsi, elle prend conscience tranquillement du temps. Vive les albums-photos. Les fins de soirée sont propices aux « séances de collage » sur le divan du salon pour regarder des photos en famille. Adèle adore se voir petite. Elle note tout ce qu’on faisait, les jouets qu’elle avait, les gens qui étaient présents autour d’elle et les endroits où elle était. Montrer à l’enfant qu’il a été petit lui aussi, qu’on prenait soin de lui comme on le fera pour le nouveau-né et le lui rappeler une fois le p’tit dernier arrivé est rassurant. Miss Lulus flatte mon ventre, dit « bonne nuit » ou « bon matin » à son bébé-frère et lui place un petit toutou musical pour le bercer avant son dodo. Je lui dis que son frère lui répond à sa manière en donnant des petits coups dans mon ventre. Pendant que mon chum bricole un garde-robe dans la chambre de Mini-Fiston, Adèle fait la même chose. Elle trimballe son mini coffre à outils et imite fièrement son papa. La joie qu’elle a quand il lui laisse appliquer du plâtre sur un coin du mur! Et que dire quand elle grimpe dans l’escabeau! Pour elle, elle « fabrique » aussi la chambre de bébé. Une grande fierté! Nos plaisirs d’été, on les revoit avec Adèle en intégrant Mini-Fiston. « On ira prendre une crème glacée ici », lui dit-on quand on passe devant la crèmerie. « Mais bébé ne pourra pas en prendre cet été, il sera trop petit. Plus tard, il va aimer cela probablement autant que toi. Il restera dans sa poussette pendant qu’on mangera nos cornets. » Pour les pique-niques, Adèle sait qu’on apportera une petite chaise (transat) pour installer le bébé pendant qu’on mangera. Et ainsi de suite pour la piscine, le vélo, le parc, etc. Miss Lulus a déjà choisi un petit pyjama pour son bébé-frère. On a aussi décidé de lui laisser le choix de lui trouver une « doudou », parce qu’on sait qu’elle adore emmailloter ses poupées dans des draps douillets. Lors d’une prochaine expédition aux magasins, on lui laisse le choix… même si elle opte pour celle qu’on aime moins. C’est à elle de choisir! Même à la caisse, ce sera elle qui donnera les sous! |
Avant et après… Il faut aussi…
- Verbaliser les émotions que notre enfant a du mal à exprimer. « Tu te sens un peu inquiète face à l’arrivée du bébé. C’est normal, moi aussi parfois ça me fait un petit peu peur. ».
- L’amener à exprimer ses émotions et ne pas les banaliser. Privilégiez les jeux de rôle, comme les poupées, pour l’aider.
- Éviter les grands changements pendant votre grossesse et lors de l’arrivée du bébé. Si vous devez changer son lit ou sa chambre, faites-le bien avant la naissance ou attendez à plus tard. Limitez les sources potentielles de stress : déménagements, l’entraînement à la propreté, la suce, le biberon, le changement de garderie, etc. Privilégiez la stabilité de la routine!
- Valoriser le fait qu’il soit un grand sans pour autant dire que le bébé n’est capable de rien. Valoriser ses apprentissages en lui disant qu’un jour, il pourra en apprendre à son petit frère.
- Être vrai. On lui dit la vérité : le bébé va naître à l’hôpital. Papa et maman vont y aller pendant 2 jours. « Moi, je vais être où? » est la question qui lui brûle les lèvres? Normal! Ayez une réponse franche à lui donner. Ici, ce sera chez ses grands-parents. Et on l’a assurée qu’elle serait tout de suite avisée quand le bébé sera là! Elle pourra même répondre elle-même au téléphone.
- Lui rappeler que le bébé arrivera… minuscule! Il ne pourra pas jouer au ballon avec lui, ne pourra pas glisser au parc ni faire des bulles de savon. N’entretenez pas de fausses illusions en lui disant qu’ils pourront jouer ensemble. Bien sûr dans un an ou deux, c’est vrai. Mais pour l’aîné encore petit, un an, c’est une éternité! Mais, dites-lui que le bébé pourra le regarder faire, par exemple!
- Être là pour elle… Mon chum et moi avons déjà planifié des activités que nous ferons qu’avec notre grande cet été. Parfois les trois ensembles, parfois en duo! Elle ira faire une longue promenade en vélo avec papa. Elle passera un après-midi pluvieux à la bibliothèque avec maman. On ira au cinéma en famille avec gâteries sucrées et salées en prime.
- Bannir les comparaisons. Personne n’aime se faire comparer avec quelqu’un d’autre. Efforçons-nous d’éviter de le faire dès le départ… et même avant son arrivée!
- Penser à trouver un petit cadeau que l’aîné apportera au bébé lorsqu’il sera né. Et surtout, prévoyez le cadeau inverse! Le bébé a apporté un cadeau pour son grand frère ou grande sœur! Une attention douce au milieu du branle-bas!
- Écouter ce que l’enfant raconte et être attentif aux manifestations de jalousie. Rassurer l’aîné aussi souvent que demandé.
- Partager les tâches entre les deux parents. Il n’y a pas qu’un seul parent qui s’occupe du plus grand et l’autre du poupon. Alternez pour du temps de qualité pour tous!
- À l’hôpital, lors de la visite de l’aîné, pourquoi ne pas en profiter pour aller dîner avec lui à la cafétéria pendant que les grands-parents sont avec le nouveau-né?
- Éviter que le poupon devienne l’attraction principale de la maisonnée. L’aîné pourrait se sentir menacé ou « tassé ». Tout le monde a sa place dans la famille! Pensez à photographier les deux enfants ensemble aussi!
- Demander de l’aide « raisonnable » à votre « grand ». Lui confier trop de tâches d’adulte l’assommera. Ce sera vite une corvée d’être un « grand » au lieu d’être un privilège.
- Il se peut que l’aîné n’aime pas spontanément le nouveau bébé. Il faut l’accepter; seul le temps y arrivera. On ne peut forcer l’amour!
- Ses réactions peuvent aussi frôler la violence. On freine les ardeurs, on calme les propos blessants et on contrôle les gestes brusques. La violence n’est jamais une solution.
- Les régressions sont possibles. Vive la dédramatisation!
- Une grande sœur épatante!
27e semaine, avril 2006