32 semaines : les jambes lourdes, les picotements, les jointures qui enflent, les derniers kilos qui s’ajoutent, les envies nocturnes, le ventre prêt à éclater, les douleurs dans le dos, la fatigue qui revient, etc. Bonjour le troisième trimestre!
Pourquoi le deuxième trimestre, celui de la plénitude et de l’épanouissement, est-il pris en sandwich entre celui des nausées et des craintes de fausses couches et celui de la lourdeur extrême? Expliquez-moi quelqu’un! Ce n’est qu’un « bonbon » pour nous récompenser d’avoir d’abord tenu le coup et une trêve avant le dernier droit?
Au lit, les positions pour…. dormir!
Chaque nuit, j’ai l’impression de me transformer en une petite bête ne sachant plus comment se rouler dans son terrier étroit. Je me tourne, me retourne et me tourne encore. Je me tortille, m’étire et me recroqueville. Rien n’y fait, je ne suis bien dans aucune position. Sur le dos, j’étouffe. Sur le ventre, j’ai déjà oublié la sensation d’abandon que j’y trouve habituellement. J’ai fait mon deuil pour encore quelques semaines de ma position préférée. Sur le côté, ça pourrait aller quand mes reins ne me font pas grimacer. Je passe donc une bonne partie de la nuit à faire la toupie au fond de mon lit en kidnappant tous les oreillers et les coussins de la maison. J’en ajoute un. Une minute plus tard, je le replace au creux de mon dos. La minute d’après, il se retrouve entre mes jambes. Et le manège se poursuit jusqu’à ce que les premières lueurs du jour apparaissent sous les rideaux. Alors seulement, épuisée, Morphée vient à bout de moi.
Même si je grouille comme un ver, personne dans la maison ne se réveille. Je suis l’unique amie de la nuit. Seule dans ce silence qui ne m’effraie pas et que j’apprivoise bien, j’ai tout le temps qu’il faut pour réfléchir et rêver librement. Ces instants de solitude volés, ces instants qu’à moi seule, ces instants pris entre le jour et la nuit, ces instants précieux flottant dans un espace insaisissable, je les apprécie vraiment. Même si parfois ils m’amènent à des réflexions trop lourdes pour ce temps si frais!
Pendant que je scrute la nuit et les recoins de ma vie, le nez collé à la fenêtre alors que l’air est trop frais pour sortir encore nu-pieds dans le jardin, je prépare le nid pour mon oisillon. Je sens que le dernier droit de notre route est tout près. Au bout du tournant, je sais que je ne porterai plus mon enfant dans mon corps, mais dans mes bras. Alors, je savoure goulûment ces moments d’intimité sachant qu’ils ne reviendront jamais. Certaines femmes m’avaient avertie : les autres enfants de la famille ressentent notre désir de se recueillir et spontanément, ils demandent plus d’attention. Une présence plus difficile à gérer d’autant plus qu’on a le cœur déchiré lorsqu’on réalise qu’on doit, déjà, se « diviser ».
La nuit, j’en profite pour écrire mon journal de grossesse. En fait, il s’adresse à mini-fiston. Je l’ai réellement entamé alors qu’il restait 100 jours avant ma date prévue d’accouchement. Je ne suis pas assidue chaque soir ou chaque nuit – par chance, au fond! –, mais j’y écris ce que je sens, pense et ressens. Je suis rendue à moins de cinquante jours. Ce journal est le témoin du temps qui défile. Du temps qui me rapproche de mon mini-fiston. Du moment qui viendra secouer un peu notre rythme de vie.
Sa position à lui
Dans son livre Une naissance heureuse, Isabelle Brabant note que le bébé se prépare à sa naissance en se plaçant dos contre la partie gauche du ventre, entre notre hanche et notre nombril, regardant ainsi vers l’arrière. « On appelle cette présentation « antérieure », parce que le sommet de la tête du bébé est tout contre la paroi antérieure du ventre de sa mère. Toute la mécanique du passage dans le bassin (les courbes qu’il aura à franchir, la rotation qu’il aura à faire) est basée sur le fait que le bébé s’y engagera en regardant vers l’arrière. Les os du crâne sont ainsi dessinés qu’ils s’emboîteront facilement pour mieux se glisser dans le bassin de sa mère si le bébé regarde vers l’arrière (…). (…) la forme de l’entrée du bassin encouragera le bébé à fléchir sa tête en allant poser son menton sur sa poitrine. Cela aura pour effet de lui faire présenter, dans l’ouverture du bassin, le plus petit diamètre de sa tête, donc le plus facile à passer. » D’accord, il faudrait que mon petit homme s’installe ainsi, le dos à droite ou à gauche. Mais comment l’aider à se positionner ainsi?
En parcourant Une naissance heureuse, l’auteure rappelle que, autrefois, et aussi dans les pays peu industrialisés, les femmes travaillaient énormément en position penchée vers l’avant, pour faire le potager, ramasser le bois ou travailler la terre au lieu d’être presque toujours en station assise comme aujourd’hui. Ainsi accroupie, le bébé glissait naturellement dans « le hamac formé par les muscles abdominaux, le plaçant ainsi dans la meilleure position pour l’accouchement à venir ». Hourra! Quand je jardine et bichonne mes campanules et mes pensées, je contribue à contrebalancer le fait que je demeure assise longtemps derrière mon ordinateur. Alors quand les voisines et les « matantes » me diront de ne pas bêcher mon jardin, je sourirai tranquillement sachant que je prépare la transformation d’un autre jardin… intérieur. Bien sûr, sans pour autant me ruer à la tâche. Mais c’est la même raison pour laquelle on dit que laver les planchers à quatre pattes « aide » à mieux accoucher!
Une descente… douloureuse!
J’ai senti que mini-fiston a « descendu ». Deux preuves physiques. D’abord, je respire. Partie cette pression sous mes seins! Quel soulagement! Et puis, je sens une lourdeur dans mon vagin. Pire encore, je me suis rappelé ces étirements du col qui me font crisper les épaules et serrer les dents. Je les avais ressentis à ma première grossesse et je ne m’en ennuyais pas vraiment. Pour imager la sensation d’élancement, je compare la sensation à un coup de couteau lancinant qui surprend… à tout moment! Ces sensations m’assurent au moins de deux choses : la consistance et la forme de mon col se modifient et mon corps se met en mode « vive préparation ». Pas le choix, je m’exerce à bien respirer pendant ces premières manifestations du travail. Peut-on appeler cela « un exercice préparatoire »? Peut-être!
Exercices de synchronisation
Dans mon ventre, j’ai un petit gigoteux. Immanquablement quand je m’allonge, il s’agite. Quand je bouge, il roupille. Espérons qu’une fois né, on se coordonnera mieux que cela!
Par contre, le duo frère-sœur forme déjà un accord symbolique. Dès que Miss Lulus placote et jacasse à côté de moi, instantanément mini-fiston réagit. « Alors, c’est elle ma grande sœur? », semble-t-il dire. « Eh oui, jeune homme. Prépare-toi à l’entendre et à l’écouter, elle parle toute la journée comme une mignonne petite pie! », que je lui réponds. S’ils se liguent tous les deux, qu’est-ce qui nous attend, dites-moi?
Bonne semaine!
32e semaine, mai 2006